avec un peu de retard, voilà un extrait de mon livre, BRM de 200 effectué à Cholet, bonne lecture.
"Belle grimpette à gauche dans Bressuire, merci du cadeau, je monte en force, mais je suis vite obligé de descendre sur le 42 dents (petit plateau pour moi) et d’écraser les pédales. Un claquement sec attire mon attention, c’est venu de l’arrière du vélo, pas bon. Le bruit, moins fort maintenant revient régulièrement tous les deux-trois tours de manivelle : c’est la chaîne !
Je baisse la tête (donc, j’ai l’air d’un coureur) pour la regarder et je vois avec horreur qu’un maillon est ouvert (alors qu’il était gris avant), je m’arrête aussitôt pour ne rien risquer d’endommager et réalise que je n’ai ni dérive-chaîne, ni chaîne, ni attache rapide et pour compléter le tout, personne n’arrive. La plupart des coureurs ont soigneusement évité ce « mur » en le contournant, bravo l’esprit.
Même mes compagnons saumurois l’ont fait, enfin tant pis, apparemment ce n’était pas interdit. Mais bon, j’en veux surtout à moi-même, je suis un peu juste question expérience, ce n’est pas mon jour, il va falloir trouver une solution, cette chaîne ne va pas se réparer toute seule. Aucun concurrent ne passe, je suis bien le roi des couillons dans l’histoire, tout le monde a contourné cette sacrée côte, la pression sur les pédales a eu raison d’une chaîne pourtant quasi-neuve, sans doute un défaut au rivetage.
Je peux vous assurer qu’à Bressuire par un dimanche matin de mars à neuf heures et demie, bah il n’y a pas grand monde dehors, il faut que je répare cette chaîne, je repère une maison qui me semble animée et je sonne. Un homme d’une cinquantaine d’années sort par son garage, j’ai le temps d’apercevoir des vélos dans celui-ci, ça va le faire.
- Bonjour, je viens de casser ma chaîne, auriez-vous un dérive-chaîne ?
- Un quoi ?
- Un outil spécial pour réparer une chaîne cassée.
- Ah non, je n’ai pas ça.
- Ce n’est pas grave, auriez vous une pointe, un marteau et un écrou de huit ?
- Ça oui, je dois avoir, entrez.
La plupart d’entre vous doivent se dire :
- Il est beau Mac Gyver, qu’est ce qu’il va nous faire ?
Et bien la même chose qu’il y a vingt-cinq ans quand un copain d’école ne sachant réparer sa chaîne de vélo, s’apprêtait à aller chez le marchand.
- Attends, je vais te le faire.
- Mais je n’ai pas l’outil qu’il faut.
- T’inquiète, t’as bien une pointe, un marteau et un écrou de huit ?
Il avait fait à peu près la même tête que vous.
La technique du bricoleur consiste à poser la chaîne à plat sur quelque chose de dur, de placer sous l’axe du maillon que l’on veut supprimer l’écrou de huit, puis de taper sur la tête de l’axe, d’abord avec le marteau seul jusqu’à ce que la tête de l’axe soit à fleur du maillon, puis de continuer l’opération avec une grosse pointe, afin que l’axe vienne se loger dans l’espace libre au centre de l’écrou de huit. Je ne sais pas comment je me rappelle qu’il s’agissait d’un écrou de huit, vingt-cinq ans plus tard. On ouvre ensuite la chaîne, on renouvelle l’opération pour supprimer un maillon double, puis on refait le tout en sens inverse - remettre l’axe en place - et ne pas oublier la petite torsion latérale à l’endroit du maillon réparé pour éviter le point dur qui provoque un saut de chaîne tous les deux, trois tours de manivelle. Le plus dur dans l’histoire est de faire ça avec le vélo couché sur le flanc, blessé comme un animal, heureusement il ne se plaint pas mon fidèle destrier, brave bête.
Je sors faire un essai, ça marche, je remercie mon sauveur, et je repars vers Thouars, motivé. Je suis bon dernier, mais comme dit une chanson ; « les derniers seront les premiers » ça me va, je signe tout de suite, par contre la suite...« dans l’autre réalité », je préfèrerais dans celle-ci. Je roule entre 35 et 40 km/h, je n’en reviens pas (bah non, puisque j’y vais), je réalise que le vent souffle de dos parfaitement dans l’axe, j’enrage car quand je vois à quelle vitesse je roule seul, j’imagine les sensations au sein du peloton. Je ne pense même pas pouvoir revenir sur lui, j’ai perdu vingt-cinq minutes dans l’histoire.
Vous êtes le maillon faible ; au revoir."