voici un extrait de mon 300 de 2007, bonne lecture à toutes et à tous !
"Un peu après Beaufort-en-Vallée, un groupe de cinq coureurs nous rejoint ; ah de la compagnie. Nous voilà sept, il y a un nouveau tandem, un grand costaud de Cholet, mon poursuivant que j’appellerai Bill et deux jeunes que j’avais vus un peu avant le départ. Ils m’avaient surpris par leur âge (autour de 20/25 ans je pense, alors que le cyclotourisme est un truc de vieux comme moi quoi, la quarantaine) et par leurs tenues : casquettes en toile, vieux shorts, chemisettes, personnellement j’avais adoré. On aurait dit deux lords anglais pendant une chasse à courre ou rendant visite à leurs ladies, dire qu’ils dénotaient dans ce décor est un doux euphémisme. Ce que je n’avais pas vu alors et que je découvre maintenant : leurs montures. Ces deux jeunes originaux (je crois que je les ai secrètement jalousés au moment précis où je vois leurs vélos) chevauchent des engins d’une autre époque. Leurs bicyclettes arborent des tubes fins en acier, une selle en cuir Brooks avec la petite sacoche à outils fixée dessous, des jantes à boyaux, un cintre (ou guidon) réduit à sa plus simple expression. Il n’y a qu’un levier de frein avant et une grosse sonnette (un timbre dirait-on), pas de deuxième levier. Par réflexe, je regarde au niveau de l’étrier de frein arrière, pas d’étrier. Ce doit être un rétropédalage, en effet, je ne vois qu’un pignon à l’arrière, mais le moyeu ne me paraît pas assez gros pour recevoir des vitesses et je cherche désespérément un câble qui en sort ainsi qu’une manette de vitesses. Où les ont-ils planqués ?
Non, j’y croâ pas (comme disent les « djeunn’ss » et accessoirement les grenouilles), ils n’ont pas de vitesses, ou si, juste une seule, le mythique développement 42/16, et ils sont en pignon fixe ! Je comprends maintenant pourquoi ils pédalaient comme des dératés dans les descentes. Je lance la conversation.
- Magnifiques, vos vélos, c’est vous qui les avez retapés ?
- Oui, on s’est bien amusé.
- Pas trop dur le pignon fixe dans les descentes ?
- On est habitué, quand ça va trop vite, on se ralentit en retenant notre pédalage.
Je suis heureux d’être là avec eux, de vivre ces moments hors du classicisme du cyclisme traditionnel, c’est sûr (et dommage) que le reste de notre petit peloton ne s’intéresse pas beaucoup à eux. Moi je trouve ça génial d’être différent car l’ennui naquit souvent de l’uniformité. L’un des deux jeunes est en train de créer sa société (non, pas là sur son vélo), il va ouvrir à Angers une entreprise de livraisons de plis et de petits colis...à vélo ! Extra comme entraînement, ça m’aurait plu comme job.
Sa future entreprise se nommera « la Cyclopostale » clin d’oeil à Antoine de St-Exupéry et à l’Aéropostale de Pierre-Georges Latécoère. Mon phare rend l’âme (c’est moins grave que quand une scie rend lame), il est 7 heures 30, je n’en ai plus besoin, il faudra que je prépare mieux mon éclairage pour Paris-Brest ou tout au moins pour le 600 kms."