C'est le matin.
Petit-déjeuner /ravitaillement et en route vers le bonheur.
Je retrouve à Pakruojis Sam Lam que j'avais rattrapé la veille au soir. Son téléphone fonctionne et il prend une photo de moi pour signaler ma présence sur la route.
La joie est devant moi et je ne le sais pas encore.
Il y avait eu un message la veille pour informer qu'en raison de travaux, il était possible de suivre une route alternative en Lettonie.
Dans ma tête je me disais qu'on verra bien.
Mais je n'ai pas téléchargé la carte. Et je ne peux pas lire le message de l'orga avec le tracé de substitution.
J'entre donc en Lettonie.
Un petit peu avant, il y avait un panneau sur la gauche qui fléchait la déviation.
Là je me dis "oh c'est vraiment une bande raymond. C'est pas un peu de gravier qui va me faire peur hein" Avec un "hein" bien du ch'nord.
Lol.
Outrelol. C'est moi le raymond. Je suis en pédale auto look parce que "j'aime pas les spd". "Oui mais c'est utile dans notre pratique tu sais". "ouais mais j'aime pô".
Bref. C'est partie pour 4h comme ça. la route devient de pire en pire. Je dois poser pied à terre par moment, ce qui n'est pas bien grave.
Mais avec les chaussures de raymond de route, heu....
C'est compliqué. Donc je marche pied nu. Et je remet mes chaussures et on recommence.
okay. Je vais rejoindre la déviation.
xptdr de mdr.
C'est pareil.
En fait les travaux en Lettonie c'est simple: tu prends 50km2 de routes et tu défonces tout.
Je parviens à rejoindre la trace à Bauska et je sais pas gros bug. Je sors de la trace je ne sais plus comment. Ich bin complètement paumé.
"Okay". Bon. Sortons mon téléphone et regardons le plan.
Hahahaha. J'ai pas accès à la carte en étant hors ligne.
"okayyyyyy" voyons avec google map".
Il y a un point bleu (moi) une tache verte (la lettonie) et un point avec écrit "Riga". C'est la capitale.
"Ah merdeu merdeu..."
Riga est au Nord ouest de ma position.le soleil éclaire grosso merdo du sud et l'ombre est au nord. Donc je dois aller à peu près dans cette direction.
Pour être "un peu" plus précis, je prends un bâton de temps en temps.
Un mois après je me rends compte du coté ridicule du truc...
Je navigue au jugé avec le Soleil. Le gps sur mon vélo n'est pas le mien et je ne sais pas qu'il a une boussole. La route est complètement défoncé. Mon souffle deviens rauque. Quand une voiture passe, je suis aveuglé. C'est tellement difficile que mon souffle deviens un grognement. Et ce grognement envahit mon corps. Il vibre depuis le fond de mon ventre. Il emplit ma cage thoracique, glisse le long de mon dos. Monte dans mon cou. Chaque partie de mon corps vibre. Je snes quelque chose qui bouscule mes entrailles, monte tumultueusement comme un torrent. Quelque chose que je ne connais pas et qui est trop à l'étroit, trop enfoui, trop profond. Quelque chose qui s'échappe de ma bouche grande ouverte. Et je rugis. Je suis un animal. Je suis devenu purement et simplement un animal humain. Et ce rugissement rauque, ni tout à fait un souffle, ni tout à fait un ronflement, comme le ronronnement d'un chat, mais plus court et plus grave me donne une force que je ne connaissais pas. Je vole désormais sur le gravier.
Finalement, je fini par trouver une route et une flêche "Riga". je me dis que je vais rejoindre la capitale, trouver un endroit avec une connexion internet, télécharger toute les cartes et reprendre mon chemin ensuite.
Je fête ça avec une bière. c'est que j'étais bien perdu. Ah là là, quelle aventure.
Attention au retour de la revanche...
En vrai c'était rien pour le moment.
Je rejoins donc Riga. J'ai un peu peur de tomber sur une autoroute, des motards Suédois me rassurent. Euh aussi ont un peu galéré avec les travaux. A Riga, je trouve le café bobo-bio-branché-tenu par des punks. Je suis à la maison quoi. Je télécharge des cartes, regarde où je suis, où je peux récupérer la trace, préviens l'orga que j'étais paumé et que je rejoins Raganna.
Oh que je suis content, j'ai retrouvé mon chemin. J'ai un peu la flemme je prends le gps et j'écris "Raganna". Y'a plus qu'à suivre.
Je longe donc une autoroute par la piste cyclable et la quitte pour me diriger dans la bonne direction dans une forêt tout ce qu'il y a de plus charmant.
C'est très calme. Et très désert. Et très des bases militaires. bah, quand j'étais gosse et que j'allais en vacances à Biscarosse, il y avait aussi une base militaire.
Oh ben la route est quand même bien défoncée. Je me marre "ça doit être le passage des chars". (spoiler: oui c'est bien ça).
Ah tiens une barrière? Je suis bien sur la trace. Bon. Continuons.
Tiens plus de bitume. Pas grave, c'est du stable. Et après ce que j'ai traversé ce matin, je suis tranquille maintenant. Tiens, des panneaux "zone d'entrainements" (en anglais). Oh ben ça doit être un souvenir de la guerre froide. Ah oui, il y a un panneau signalant des zones de tirs de chars. Ah oui sur le coté un mur criblé de balles. Oh lala, c'est glauque.
Ah tiens, des balles par terre.
Ah merde.
Du coup je chante à tue-tête parce que visiblement je suis effectivement dans une zone d'entrainement militaire... J'en mène pas large.
Et là la route est de moins en moins stable mais plutôt sable et pierre.
Ah oui flûte... c'est le gps de Sam il doit être paramétré en "vtt"... oups....
Oh laaaa... je dois passer sous cette barrière???? et passer cette porte???
J'ai "un peu" la trouille".
Et... je crève.
Alors là, je pète un câble. Je rugis de nouveau comme le matin. Je peste, je hurle, je m'engueule parce que j'avais eu la flemme de refaire la pression des pneus ce jour-là.
Je me donne l'ordre de démonter la roue.
Prend la roue. Dépêche toi. Plus vite. Tu traines.
Ôtes le pneu. Plus vite. Du nerf.
La chambre. Allez. On se grouille mauviette.
La nouvelle. Allez. Remonte. Allez. Plus vite. Remonte la roue. Dépêche toi. Fais la pression. Vérifie le pneu avant. Maintenant. Dépêche toi.
Je suis d'une violence sans nom avec moi-même. Tout ceci en hurlant comme le sergent instructeur de full métal jacket soudainement interrompu par mon rugissement qui prend une nouvelle vigueur.
Je suis un animal. Il n'y a plus un bruit autour de moi. J'ai hurlé tellement fort que mes oreilles sifflent. Mon vélo est remonté et je reprends la selle. Le terrain est meuble et je suis obligé de faire mi-draisienne mi-pédalage.
Quelques instant plus tard, je tombe sur une patrouille de militaires qui me regardent éberlués. Sur le coup, je me dis que s'ils viennent de m'entendre ça devait être assez particulier...
Je leur demande avant toute chose si j'avais bien le droit d'être ici. Visiblement oui. On regarde leur carte ensemble, il ne me reste plus que 12km avant Raganna. Tout va bien. "But it's ok with a mountain bike..."
Certe...
Je reprends mon cheminement. Mes pédales deviennent de plus en plus dure à déclipser à cause du sable et finalement, ma chaussure est coincée. Je ne dois pas tomber. A chaque coup de pédale, ma roue arrière dérape. Non, je ne tomberais pas. Instinctivement, je grogne à chaque difficulté ce qui me donne le coup de fouet nécessaire. Enfin, j'avise un buisson du coté opposé au dérailleur et me fait glisser dedans. Empétré dans les branches, je défais mes chaussures, parviens à les ôter des pédales, les attache à la sacoches et reprends la route en chaussettes sur les pédales automatiques pour la dizaine de kilomêtres qui me restent.
Je commence à croiser quelques paysans. On se croirait chez les Amiches: pas de voitures. Ils sont tous en charrettes.
Et enfin, je rejoins une route et retrouve Raganna.
Arrêt à la station service pour nettoyer le vélo, vérifier s'il y a de la casse. Tout va bien. Je remet mes chaussures en état. Je prends 5mn pour me recentrer un peu en pensant aux gens qui comptent pour moi. Puis profite de la wifi pour envoyer un message à l'orga pour prévenir que j'avais retrouvé ma route, contacte ma famille et envoie un message à un copain:
Citation
Punaise j'étais paumé sa race. Mais c'est la meilleure sortie de ma vie!
Bon je fais pas la course mais quand même...
Ben finalement tout le monde a galéré et je suis toujours autour de la vingtième position.
C'est le moment que choisi le ciel pour se mettre en colère.
Nom de .... J'attends que ça passe. J'ai repéré où dormir à une centaine de km. C'est jouable.
Pause à Limbazi. Et là, grosse flemme. Je m’arrêterais ici. Je cherche où dormir et je perds 1h.. Bon tant pis je dormirais plus loin. Surtout qu'il y a une méééga fête dans la ville et que tout le monde est bourré. Je fais 4km et un éclair zèbre le ciel. Un truc suffisament grand pour que je me dise "ok, demi tour, dodo n'importe où dans la ville".
Je trouve un préau quelconque et m'allonge en m'attachant au vélo.
2h, quelqu'un me rentre dedans complètement torché. Il me dis des trucs en lettonien. Et là, j'ai la réplique la plus pertinente de ma vie.
"I don't understand. I'm from France".
Le lettonien bourré n'est pas comme le français pas bourré. Il comprend l'anglais et me répond:
"I d-d-d-d'on't care ab-b-b-out from where you are kouroukoukoustaïch'staïch' (ou à peu prêt)"
A 5h du 5 aout au milieu de trace n°5, mon réveil sonne. C'était ma meilleure journée de vélo hier. C'est l'heure du petit déjeuner. Et on va où? A la station service.
Café géant.
Tête de déterré. Arrive 2 lettoniennes avec encore moins de sang dans l’alcool de Lasalle.
"kourou staïchtu?"
"Sorry I don't understand. Hello."
"Hellooooooooooooooooo"
Ça me gave un peu, j'ai pas bu mon café. Je fais le français froid et distant. Je tends la main.
"Enchanté".
Erreur force 4 puissance feu avec bonus de charme +10.
"Enchanté? freeeeeench?" "you are alone?"
"No I have a wife".
"yes yes yes, but now, are you alone?"
"No non, never alone".
"Are you sure? do you want to come with us? a shower? a bed? something else?"
"heu... non no"
" we are better than all the puta"
Bref. Remballant mon sex appeal et mon odeur de chacal crevé sauce fennec qui colle, je renfourche mon vélo en direction de Mazzalaca pour faire les courses (et rouler, dans tout ça je fais du vélo hein). Sur le parking, après avoir cherché en vain une baguette - oups on est pas en France - s'arrête juste après moi un italien et un tchèque. Ils me regardent en biais. Et puis ils me surveillent sur mon rythme de repas, mangent à ma vitesse... c'est très bizarre. La journée est résolument sans rien, je dépasse les 2 participants. C'est tout de même très beau. J'arrive en Estonie, trouve un lac pour me baigner et me laver. Je traine un peu, regarde l'heure du ferry pour Helsinky. Il reste 80km. C'est partie pour le contre la montre. Je file vers Tallin de toute mes forces. Tombe sur un groupe de raymond-e-s. j'hésite. Mais je suis au milieu de plusieurs pelotons: c'est visiblement une route d'entrainement pour les club et le jour de la sortie. Je reste dans les roues. Pendant 20km, j'ai pu profiter de l'aspiration et les quittait non sans un "thank-you".
J'arrive au check point et j'ai la surprise de trouver l'italien arrivé bien avant moi? bon... admettons...
Il me dit qu'il va dormir à Tallin et prendre le Ferry le lendemain, je préfère prendre le ferry et dormir à Helsinky où j'ai rdv avec un ami finlandais pour le saluer.
Dans le Ferry, je trouve les frères Raboenen qui ont "un peu" pris un raccourci en Lettonie... et dodo dans le sac en soie sur le tapis avant de prendre une chambre d'hôtel à 3 à Helsinky.
Je suis en Finlande, j'en rêve depuis des années. J'ai joué de la musique finlandaise, fais venir des musiciens finlandais en France et maintenant, j'y suis!