Il fait bon sur la place des Muriers à Caussade ce vendredi soir, à l’heure de l’apéro. Nous sommes 17 parmi lesquels des vétérans de Paris Brest Paris comme Jean-Claude, le président du club, qui organise le brevet et y participe, ou le propriétaire d’un magasin de cycles de la région montalbanaise bien connu de la communauté cycliste. Apparement, je suis le seul débutant.
Nous quittons Caussade à vive allure par de longs bouts de droit. Au bout de 10 bornes, je laisse filer. Pas question de se mettre dans le rouge. L’objectif est de tenir et rentrer dans les temps. Nous restons à trois et rejoignons le premier contrôle à Cordes sur Ciel à la tombée de la nuit. 50 bornes en deux heures, c’était la partie facile.
Sortie de Cordes, lever de la lune. Pas trop le temps de l’admirer. Les 70 prochains km s’annoncent corsés avec la traversée du Ségala, à l’ouest de l’Aveyron. Mes compagnons de route disparaissent dès le premier raidard. Je vais rouler 340 bornes en solitaire. Toujours le même objectif : tenir.
Je respecte mon plan de route et m’arrête au km 94 à l’Auberge du Tilleul dans le village de la Salvetat Peyralès. J’enfile les jambières, je mets des manches longues sous le maillot et un tour de cou, je me restaure et échange avec les propriétaires accueillants de l’auberge. Il fait toujours doux à minuit, mais je pense aux descentes à venir. Prochain objectif, le contrôle de Capdenac au bord du Lot, Km 153. Je l’atteins à 3h40. Il y a belle lurette que les autres sont passés, mais Pascal, le vice-président du club, m’accueille avec une soupe, du café et tout un assortiment de friandises. Chapeau à lui d’avoir passé une nuit blanche au milieu de nulle part pour ravitailler 17 cyclistes. Et pour moi, une vingtaine de minutes à parler de tout et de rien. Ça fait du bien.
J’appréhende un peu la suite. Sauter de la vallée du Lot à celle du Célé (jolie bosse), monter sur le causse (rampe interminable) et le traverser, 45 bornes sans croiser âme qui vive. Et le jour se lève sur la pampa. Bien heureux de m’être couvert. D’un seul coup, le thermomètre flirte avec le zéro, 2° exactement.
Derrière s’annonce une partie tout en douceur pour atteindre Salviac au Km 238. J’y arrive pour le petit déjeuner. Ce sera café-croissant-pain au chocolat-coca ! J’apprendrai plus tard que les costauds sont passés en fin de nuit et ont galéré pour trouver un bistrot dans les villages endormis. Cela a parfois des avantages de ne pas rouler vite.
Le temps est au beau fixe, le soleil est vite chaud. Il est 9h30, retour à la tenue d’été.
Je suis surpris d’avoir traversé la nuit sans état d’âme et surtout sans jamais éprouver l’envie de fermer les yeux. Et je me dis que le plus dur est fait en pensant aux côtes déjà franchies. Je vais vite déchanter.
La côte de Montcléra va me ramener à un principe bien connu « Quand il n’y en a plus, il y en a encore ». Ou encore pour passer d’une vallée à l’autre, il y a toujours un obstacle à franchir. Je file maintenant vers Fumel, Km 278, au bord du Lot. Et pan ! Pour entrer dans la ville qui s’accroche à la falaise rive droite, il faut franchir un bout de droit d’un kilomètre à 10 % sur une chaussée défoncée. Traversée de ville à oublier.
Il est midi, je suis encore à 30 bornes du prochain contrôle. Un déjeuner sur l’herbe s’impose, trouver un peu d’ombre au pied d’un platane et le tour est joué.
Je franchis le Lot à la Penne d’Agenais, Km 296, et envisage avec optimisme de m’attabler au café Paradiso de Larroque Timbaud pour un vrai repas, a priori une pizza. C’était sans compter la côte de Hautefage la Tour, en fait le début de ce qui sera le dessert de ce brevet, 50 bornes à passer d’une petite vallée à l’autre, à parcourir des espaces agricoles sans un arbre, à passer d’une rampe à un faux-plat, suivis d’une descente sinueuse pour enchaîner avec des montées bien raides. Le thermomètre frôle maintenant les 30 degrés. Ne pas oublier de boire.
La patron du café Paradiso m’accueille 5 mn avant la fermeture, c’est l’heure de la sieste. J’avale deux cocas, il remplit mes bidons, me met à l’aise. Il me parle des gars qui eux cette fois sont passés à l’heure pour la pizza. Il m’encourage et me dis qu’une fois arrivé à Moissac, Km 350, c’en sera fini des aspérités du terrain.
Et c’est vrai. Me voici enfin au dernier point de contrôle, Labastide du Temple, juste 35 bornes du but. A nouveau bien accueilli au Fournial, boucherie-charcuterie, produits locaux … et boissons fraîches. Re-Coca. La patronne m’offre une bouteille d’eau et elle me dit « vous risquez de prendre l’orage ». C’est vrai qu’à l’Ouest il y a du nouveau. Mais bon, moi je roule plein Est.
Il est 18h25 quand je me remets en selle une dernière fois. Le ciel s’obscurcit de toutes parts. Premières gouttes, premiers éclairs puis une accalmie. Je m’efforce de rouler plus vite parfois poussé par le vent annonciateur de la pluie. Enfin, premier panneau « Caussade 7 ». J’aperçois même le clocher de l’église au fond derrière des rangées d’arbres. Autour de moi, ça pète de partout. Les canons à grêle fonctionnent à plein régime. Et le ciel ouvre ses vannes. Eclairs, tonnerre, trombes d’eau. J’étais presqu’arrivé. Je parcours les 5 derniers kilomètres au jugé, j’évite quelques ornières, heureusement il y a peu de trafic. Tout le monde est aux abris sauf ce type sur son vélo. On ne sait pas d’où il vient, mais lui sait où il va. Place des muriers, 20h25. BRM validé.
Pas de célébration, juste l’urgence de s’abriter aussi.
Jean-Claude, le président du club, est venu m’attendre. Lui est rentré il y a bien longtemps. Il récupère ma carte et m’invite à venir me doucher chez lui avant de reprendre la route. La journée se termine très bien. L’accueil et la solidarité de la communauté cycliste s’exprime en toute simplicité.
J’ai aimé et je valide :
Une sortie (sic!) de plus de 25h sans jamais fermer les yeux
Ma capacité à m’alimenter et boire, sucré ou salé, sans embarras,
Le confort absolu de Pechtregon 053 qui me permet de rentrer dans un état convenable, lombaires et cervicales Ok,
La selle Brooks C15 Cambium échancrée installée après le BRM 300,
La qualité de l’éclairage qui m’a permis de traverser la nuit en toute sérénité,
J’ai moins aimé et je ne suis pas certain de valider pour la suiteLes prolongateurs (premier prix Decat)
Et aussi
Ne croyez pas (toujours) OpenRunner et Garmin.
Le premier donnait un dénivelé total de 4426 m. A l’arrivée le GPS m’indiquait 3555 m. Qui faut-il croire ?
Sur le GPS, les montées d’un parcours sont répertoriées de « Aller ! » à « Montée terminée ! ». Et ça ce n’est pas toujours vrai. Sans doute les pourcentages les plus significatifs, mais quand la route continue à s’élever à 2/3 % pendant 1, 2 ou 3 km, ça ne s’appelle pas une descente (ou même du plat)
Un grand merci à
Jean-Claude Bertelli, président du Cyclo-club caussadais, pour son accueil avant et après le BRM, et à
Pascal Barou, VP du club, qui a assuré le ravito de Capdenac tout seul au milieu de la nuit. Chapeau messieurs !