Article intitulé "La Course Paris- Brest et Retour - 1200 kilomètres à Bicyclette" paru dans le magazine "LE MONDE ILLUSTRé" du 2 septembre 1911
PARIS - Brest et retour, la grande épreuve cycliste qui ne se court que tous les dix ans, vient d’être disputée pour la troisième fois. C’est en effet, en 1891, que M. Pierre Giffard eut l’idée d’organiser cette course et il semblait à cette époque complétement impossible qu’un homme put sur une bicyclette couvrir la distance de 1200 kilomètres.
Charles Terront se chargea de montrer que le raid était parfaitement possible en couvrant la distance en 71H35. Dix ans plus tard, en 1901, la bicyclette avait acquis définitivement droit de cité. Les pneumatiques n’offraient plus les dimensions exorbitantes et d’ailleurs parfaitement inutiles d’autrefois ; le poids de la machine avait diminué sensiblement, les roulements étaient plus finis, bref Maurice Garin qui gagna l’épreuve battit le record de Terront de près de 20 heures, puisqu’il termina en 52H11.
Cette année, 17 coureurs de vitesse disputaient Paris – Brest et une centaine de routiers. Dans la première partie, on remarquait Faber, Lapize, Blaise, Cornet, Cruchon, Brocco, Ernest Paul Georget, Lafourcade, Vanhouwaert, Trousselier. Il était bien difficile de donner un pronostic sérieux. Dans la course, il y eut des surprises. Faber fut un des premiers lâchés et abandonna ; Blaise, Lafourcade ne furent jamais dans la bataille, Trousselier culbuta sur un gros chien et le groupe de vitesse se trouva réduit à 6 coureurs.
Ce fut Cornet qui signa le premier à Brest suivi de E Georget, Lapize, Vanhouwaert, E. Paul et Cruchon. L’allure avait été modeste, 23km700 et on désespérait déjà de voir les coureurs de 1911 battre le temps de 1901 car il semblait logique qu’ils reviennent moins vite qu’ils étaient partis. Le contraire se produisit. Effrayés sans doute par le nombre anormal de kilomètres qu’ils avaient à couvrir d’une traite, les routiers craignant d’user leurs forces par un départ trop rapide s’étaient beaucoup ménagés à l’aller. Au retour, plus ils s’approchaient de Paris, plus ils augmentaient leur allure. Ernest Paul menait un train d’enfer, cherchait à lâcher ses concurrents. Il n’y put réussir car une crevaison lui fit perdre le bénéfice de son effort. Bientôt, il ne reste plus en tête que Georget et Lapize et dans la côte de Tillières un démarrage brusque de Georget le débarrasse de son dernier adversaire. Il n’y a plus que 80 kilomètres à faire. Il les couvre à l’allure stupéfiante de 30 km à l’heure et arrive au Parc des Princes couvrant la distance en 50H13, ce qui bat le temps de Garin de près de 2 heures. Nul doute que ce temps aurait pu être réduit de quelques heures si l’aller avait été mené plus rapidement. Détail à peine croyable, Georget n’a pas dormi du tout pendant 50 heures et n’a pris qu’un seul instant de repos : une minute.
Voici l’ordre des arrivées :
1 – Emile GEORGET, Châtellerault, 29 ans, 50H 13 minutes sur pneumatiques Dunlop
2 – LAPIZE, Paris, 24 ans, 50H34
3 – Ernest PAUL, Colombes, 29 ans, 50H48
4- CORNET, Le Mans, 27 ans, 51H32
5 – VANHOUWAERT, Moorslède, 28 ans, 51H49
6 – DEVROYE, Liège, 24 ans, 52h25
Dans la catégorie routiers, HEUSGHENS, arrivé premier, a été disqualifié, c’est donc RINGEVAL qui gagne la course en 57H30 devant Maurice GARIN, le vainqueur de 1901 qui bien que plus âgé de 10 ans, n’a mis que 6 heures de plus à effectuer ce rude parcours.