Bon, et bien voilà, c'est fini
Je ne sais pas ce que ressentent les autres, mais moi j'ai un peu le blues aujourd'hui, c'est dur de sortir d'une pareille expérience, tant d'émotion, de chaleur humaine, de gentillesse, de dévouement, au service de notre passion.
Ils sont fous (folles
)ces alsaciens (nes). Jamais je n'avais ressenti pareille communion autour de moi.
Pour moi, après 2 ans sans sport, me présenter au départ du Trirhéna était une forme de défi dans le défi. Il me fallait mettre en place un entrainement minimaliste, me permettant de valoriser au mieux les moments dont j'ai disposé tout au long de l'année. Des sorties de 50 km tout les dimanches après midi pendant la sieste des enfants jusqu'à la fin mars, puis des sorties de 75 à 100km le dimanche départ 6h30, en prenant bien soin de partir sans réveiller les petits monstres. Un gros bloc de 850 km les premiers et 8 mai, avec le we au milieu (ma petite famille était chez ma belle mère, et moi au boulot). Encore 8 sorties, puis le DFU, les 5 cols, c'est là que j'ai décidé que oui, j'y allais
Autant dire que oui, pour moi être là représentait beaucoup, et j'était bien incapable de dire comment cela allait se passer.
J'avais peur du départ à 17h, il allait m'imposer de rouler jusqu'au lendemain soir, Munstertal me paraissait loin, 470km avec ce relief...
La suite tenait de l'inconnue totale
Je suis arrivé sur place au dernier moment avant le briefing de Bridou, pas le temps de gamberger, Roland m'avait récupéré à la gare à 13h. Histoire de mettre toutes les chances de notre côté, le seul endroit que nous avons trouvé pour manger était le Buffalo grill, bon, on a été sages, poulet, riz et eau plate. Déjà l'accueil du CCK
, puis le départ.
Très vite, je me trouve dans un petit groupe qui va bien, il faut dire que les 80km sont plats, je découvrirai plus tard que la pluspart de mes petits camarades vont finir en moins de 70h... Dans les premières bosses je les laisse filer, et me prépare à une première nuit en solitaire, j'aime la nuit, et j'aime rouler seul quand le terrain est accidenté, je suis servi.
Cette nuit est une pure merveille, premières lueurs du jour dans la descente sur Neuchâtel, puis montée au Chasseral.
Tout va bien, je rattrape quelques gars, je mets pied à terre une première fois pour marcher un peu et décontracter les quadriceps, une seconde fois pour accompagner sur quelques mètres un gars avec qui j'avais roulé dans la soirée, il n'est pas bien, épuisé et n'a plus rien à manger, je lui donne les deux bananes séchées qu'il me reste, puis je repart pour le sommet. Arrivée à 8h15, je n'en reviens pas, trop facile...
Accueil de Bridou et Aurore, une bonne soupe, des pâtes, deux crêpes, et s'est reparti. Je suis vraiment heureux!
Je garde un souvenir vague de la journée, plénitude, pas de doute, tout va bien, les côtes s'enchainent. Ils sont fous ces suisses et ces allemands, des pourcentages incroyables
, jamais vu ça en France, mais même pas peur. Quand la respiration se fait trop rapide, je mets pieds à terre, je laisse retomber un peu, et je repars. Je suis venu grimper des côtes, en voilà plein, que du bonheur.
La montée au dernier col avant d'arriver à Munstertal se fait dans une allégresse totale. Je suis au contrôle à 22h15, incroyable, 29h que je suis sur le vélo, et c'est trop bon. Super accueil, merci à tous ces merveilleux bénévoles du CCK.
Encore de la soupe, des pâtes, du cake et je ne sais plus quoi d'autre. Deux heures de dodo dans une camionnette, et je repars à 3h, mais je ne sais pas encore que j'ai mangé mon pain blanc.
Le contournement de Freiburg est vite long et monotone en cette fin de nuit, les premières douleurs dans les genoux apparaissent, l'enthousiasme de la veille en prend un petit coup.
Enfin je retrouve les reliefs avec la forêt noire, j'ai en particulier le souvenir de la montée au-dessus de Biederbach, magnifique
Mais on en sort, et la traversée de la plaine du Rhin se transforme en long calvaire,
J'ai mal partout, je n'avance plus, après les douleurs aux genoux que je contrôlais bien en montagne, c'est un tendon d'Achille qui se met à me faire souffrir, une tendinite...Pas bon
J'arrive au pied du Haut-Koenigsbourg dans un état catastrophique, les deux genoux et le tendon d'Achille me font énormément souffrir, je suis épuisé, la montée est un calvaire. Au carrefour je me botte le cul pour ne pas filer directement à Châtenois et abandonner. Je me dis que je ne suis pas venu jusque là pour ne pas faire les deux kilomètres restant vers le sommet. Je grimpe la-haut avec dans la tête la musique et la voix de Bridou nous commentant sur sa vidéo cette montée et l'arrivée devant le pavillon. Je ne m'attarde pas en haut, les poubelles sont en bois, je n'ai pas vu grand chose d'autre...
A Châtenois (14h45), super accueil de Poucet et Danielle, Poucet m'arrête tout de suite quand je lui parle d'arrêter, "prend une douche, mange, dors" (c'est peut-être pas le bon ordre
) J'obtempère.
J'en profite aussi pour redémarrer mon tout nouveau GPS qui avait planté une centaine de km plus tôt, heureusement j'avais la notice...
Nouveau départ à 18h45. Tout de suite je retrouve de super sensations dans les jambes, les muscles sont impeccables, la douleur au genou droit a disparu, je fonce à travers les villages dans les vignobles, le coin est très beau.
Les premiers signes de fatigue apparaissent à la fin de la montée au Champ du Feu, l'euphorie aura duré 50km.
Longue série de tobogans avant de redescendre, col de Steige, col d'Urbeis, col de Fouchy, un calvaire.
Dans la vallée, vent chaud et parfois violent, le ciel s'est chargé, la nuit est tombé. Premières goutes à Sainte Marie aux Mines.
J'ai terriblement peur de tout me prendre sur la gueule en traversant les trois cols pour rejoindre Hervafaing.
Cette montée est terrible je n'en vois pas le bout, mais finalement le ciel tient, et j'arrive au sommet du col du Pré de Raves, je m'habille pour la descente, mais à peine commencée que cela remonte à nouveau...
Je n'en peux plus, j'en ai assez.
Enfin la descente, après Fraize, virage à gauche, le contrôle est à dix km, c'est gagné, et bien non.
Ca monte, ça monte trop, encore ce vent violent dans la figure, et pour finir la pluie qui se déchaine à 2km, il l'ont mis où ce p.... de contrôle.
C'est Estelle qui me receptionne quelques mètres avant la tente, je dois avoir une drôle de tête. Il est 5h20.
Il me faut bien 10mn avant de pouvoir desserrer cette étreinte qui m'écrase la poitrine. Je sais déjà que je ne repartirai pas.
C'est con, il ne reste que 200km, mais moi je sais que je suis allé au bout...
Re soupe pâtes et plein de truc, dodo de 2 heures dans la bridoumobile, réveil à 8h.
Le trio Cricri-Sccber-Valex est reparti il y a 1/2 heure, sous la pluie, bravo les mecs, vous êtes courageux, félicitations, sincèrement
et je ne pensais pas que vous pourriez rentrer dans les délais. Encore bravo.
Je file un petit coup de main aux gars du CCK pour replier le camp, et on rentre à Kingersheim.
Voilà, c'est fini!
Quelle aventure, que c'était beau, que c'était bon, vous avez été formidables tous les CCK, encore merci.
Pour ma part, je n'ai pas de regret de ne pas être allé au bout, j'en ai fait tellement plus que je ne pouvais l'espérer.
Maintenant c'est un peu le vide devant moi, une bien belle aventure est terminée.