Version originale ici: Vélorizontale
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Il y a quelques mois, quand j'ai du changer à la hâte mon organisation pour rouler la SR de la Haute Provence à la place de la SR du Léman Dément, j'avais toute de suite pris congé pour la fin du mois de septembre.
Un weekend + 2 jours sont idéaux pour une SR: environs 50 heures de roulage, puis une possibilité de repousser de 24h en cas de météo exécrable, puis un peu de repos, 4 jours sont largement suffisants.
J'allais enfin pouvoir rouler ma SR!!!!
Avant de donner la date j'avais évidemment cherché des éventueles manifestations sur le parcours qui pourraient empêcher le passage (puisque j'ai créé le parcours je jette de toute façon un coup d'oeil régulièrement pour éventuellement transmettre aux autres candidats) et le mois de septembre est assez chargé, notamment en rallyes automobiles. Je devais aussi tenir compte du temps d'entraînement qu'il me fallait après mes vacances, fin septembre était parfait donc.
Alors que je voulais envoyer mon inscription à Sophie pour la date prévu, je jette encore un dernier coup d'oeil sur les manifestations du mois et c'est la que je vois - triple horreur - que le rallye de Seyssel a lieu le même weekend, empêchant l'accès au Grand-Colombier ainsi qu'à plein d'autres endroits de la région (sans parler encore des joies de faire du vélo parmi ces bagnoles qui font un boucan d'enfer ainsi que leurs groupies qui à défaut de pouvoir faire le même boucan essaient d'imiter leur style de conduite sur parcours, c'est du vécu en BRM)
Un coup d'oeil sur mon calendrier pro (je travaille souvent le weekend) et celui des autres manifestations ne me laisse qu'un choix:
Vendredi 14 je travaille de 06.00 à 14.00, je suis libre le samedi et le dimanche, puis je retravaille le lundi à 8h.
Ce qui me laisse 66 heures pour rentrer de mon boulot (pour une fois en TP, 1h ;-), aller au départ en vélo (1h), rouler une SR (60h max), rentrer en vélo de la SR (1h et ...), aller au boulot (pour deux fois en TP, 1h)
Bref, 64 heures si je compte bien ... mais que vais-je faire de ces 2 heures ???!?
Ca paraît séré comme ça mais la réalité est que je ne comptais pas du tout mettre 60 h pour ce brevet.
Ma première, le Dauphiné Gratiné avait été fait en 51 heures (ou 52?) avec une rallonge de 30 km, c'était la plus lourde sur le papier avec 14.500 mètres de d+
La deuxième, la SR de la Haute Provence, avec 12.500 mètres de d+ en 44 heures, qui étaient perfectibles d'ailleurs.
Du coup, en temps normal pour le Léman Dément je pouvais m'attendre à un temps intermédiaire, mais je ne suis pas aveugle évidemment, ma condition actuelle n'a rien à voir avec quand je suis en forme.
Je me suis donc motivé comme suite:
- C'est maintenant ou l'année prochaine, et après les deux précédentes annulations (surtout la première bien-sûr) je n'avais vraiment pas envie d'un troisième report.
- Faire un départ tardif, en fin d'après-midi, est intéressant comme expérience, ca change toute la dynamique de la SR et j'avais bien envie de voir ce que ça donne.
- Faire une SR tout juste le temps d'un weekend ... si c'est possible cela voudrais dire que j'élargi quand-même un peu mon champs d'action.
- C'est aussi intéressant de voir ce que ça donne quand les conditions ne sont pas idéalement réunies: après deux semaines de boulot très fatigantes, condition physique pas top, bref, à force d'attendre on ne part jamais.
J'avais un avantage indéniable encore: puisque j'ai fait le parcours, je sais comment je peux gagner du temps.
Contrairement au Dauphiné Gratiné, le Léman Dément n'a que peu de montée sur la première partie: 3200 mètres pour 190 km, forcément, le Jura au début est traversé du sud au nord, avec un peu de tricotage pour le rendre intéressant, puis la descente et la traversée du Gros de Vaud pour gentiment atteindre les préalpes vaudoises vers les 200 km du parcours.
Mais ensuite sa se corse, et pas qu'un peu!
Les premiers raidards amènent au col de Sonloup et à Sonchaux, se sont des montées relativement courtes mais avec quelques gros pourcentages dedans quand-même.
Puis, une fois la vallée du Rhône traversée, du km 242 au km 532 il y a la bagatelle de presque 8000 mètres de d+ a avaler avec, en regardant openrunner, beaucoup d'orange foncé (entre 7 et 10 %) ainsi que du vrai rouge (entre 10 et 15%).
Il me semblait donc évident qu'il fallait que je parte aussi tôt que possible (mais pas possible avant 16h) pour faire un max dans le Jura avant la tombée de la nuit pour finir par redescendre et traverser le plateau dans la nuit. Pourquoi? Tout simplement parce que le plateau vaudois est habité, avec plein de routes en bonne état, et qu'il fasse nuit ou pas, on y perd pas vraiment de temps. Ca peut-être très fatigant de rouler la nuit sur des minuscules routes tortueuses sans lignes de guidage etc là ça n'allait très clairement pas être le cas. Je dirais même, au vue de l'absence de circulation c'est mieux d'y rouler la nuit.
Ensuite je m'attaquerais au chablais savoyard toute la journée et je m'accorderai un stop à partir du km 440 environs ... et 10.000 mètres de dénivelé. Je pensais terminer tranquillement le dimanche les 170 km restantes.
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Après avoir foncé à la maison, sorti mon vélo, me changé etc, j'enfourche le Pelso et je commence à pédaler.
Ayant préféré me reposé un max les jours précédents je n'avais pas fait tant de vélo que ça et je remarque en roulant que mon dérailleur s'est déréglé un peu.
Je n'avais pas très envie de m'arrêter: il était tout juste 15h passé et en pédalant bien je pensais pouvoir me rendre au départ pour 16h, une demi-heure de gagné sur le planning!
Et avec mon groupe de vtt je n'avais nullement besoin de m'arrêter car la molette se trouve directement sur le shifter, il suffit d'écouter et d'observer pour savoir dans quel sens tourner.
Mais pour l'instant ça fonctionne pas trop mal, juste un bruit désagréable sur certains petit pignons et je décide de ne pas y toucher tant que ça marche.
15.55 j'arrive au point de départ, 16 h je me lance!
Les premiers quelques dizaines de km sont un long faux plat montant: de 520 mètres, à 1250 mètres en 45 km.
Normalement j'y passe à fond mais maintenant je me contente d'un rythme d'endurance disons soutenu.
A vrai dire, j'ai des très bonnes sensations dans mes jambes et j'en suis tout réjouit.
Les routes ici sont assez particulières, c'est à dire que le revêtement est tellement granuleux qu'il est préférable de viser les nids de poule pour apporter un peu de soulagement.
Malgré ce pilotage ultra-fin et sans avoir aperçu rien de particulier mon pneu avant crève au bout de 10 km de route suite à un pincement (je n'ai donc toujours pas trouver le temps pour résoudre mes problèmes de tubeless avec les valves fuyants)
Pas grave, je pose le Pelso de côté et je répare la crevaison, quelques coups de pompe et c'est reparti!
Entretemps le problème de dérailleur s'est agravé un petit peu: la moitié inférieure de ma cassette (vers les plus petit pignons donc) est pratiquement inutilisable. Parce que je n'arrive pas à compter les pignons en changeant la vitesse (la chaîne tombe trop souvent entre deux pignons) je suis obligé de m'arrêter pour vérifier jusqu'où la chaîne descend: bon, le dérailleur prend le grand et le petit pignon. Je me serais attendu à ce qu'il n'arrive pas à descendre jusqu'au petit pignon.
Je me remets en route et je tourne la molette, quart de tour par quart de tour, dans un sens tout en changeant de vitesses, ça s'aggrave. Puis quart de tour par quart de tour dans l'autre sens: ça s'aggrave. Je réalise alors qu'il ne s'agît pas d'un dérèglement à proprement parler. Les dérailleurs mono-plateau sont très sensibles à la tension: enlever ou ajouter deux maillons à une chaîne et il est fort à parier que votre dérailleur précédemment bien réglé ne l'est plus.
Je parcours les options en roulant:
- j'ai l'usage de tous les grands pignons, c'est ce que je vais utiliser 95% du temps sur ce brevet, les descentes seront plutôt là pour me reposer. Reste les plats et les faux-plats montants où je vais devoir pédaler en cadence très élevée ou en cadence très basse (je pouvais prendre le tout petit pignon)
- j'essaie de raccourcir la chaîne de deux maillons: en montant le vélo j'avais laissé une longueur de chaîne maximale, peut-être que les 3000 kms de montagne ont eu raison du réglage.
J'ai vite choisi la première option. Tant que ça allait je n'avais pas envie ni de prendre du temps pour raccourcir une chaîne, ni de prendre un risque avec un maillon rapide mal installé.
Je voulais rouler mon Léman dément et ce n'est pas un petit problème de dérailleur qui va avoir raison de moi!
Je suis toujours sur des tronçons roulants et bientôt j'entrerai en Suisse de nouveau.
La lumière de soir arrive et m'envoie ses plus belles couleurs, en fait, dans cette longue vallée nord-sud c'est un peu tout le temps le soleil du soir, à part en plein été peut-être.
Puis arrive une descente en direction du lac, j'avais bien veillé à faire en sorte que -à défaut de pouvoir tremper les pieds dedans- le lac soit au moins visible de temps en temps.
Mais cette vue est de courte durée car à peine commencé le parcours fait demi-tour et remonte sur les crêtes du Jura, et notamment dans le parc du Jura vaudois par un chemin forestier.
C'est une longue montée très tranquille, entouré de beaucoup d'arbres au début puis des alpages en haut. La nuit tombe vraiment maintenant.
A l'occasion du prochain contrôle je fais une pause. 80 km, 4,5 h de route. J'imagine que j'ai un peu d'avance sur mon schéma. Alors que je me pare pour la nuit, entouré de forêt, j'entends un cerf bramer. J'ai toujours trouver très beau ce cri puissant, comme pour dire que c'est lui le roi de la forêt.
Une 20-aine de minutes plus tard je repars. J'ai bêtement mis ma frontale sur mon casque comme je l'aurais fait pour rouler en vd: avec l'accu sur la partie arrière. La conséquence est que mon casque tombe tout le temps en arrière. Il faudra attendre presque 48 heures avant que je pense à l'installer comme il faut avec le poids au centre...
Le passage sur la crête est assez rapide et au prochain col, col de Marchairuz, ça redescend vers le bassin lémanique.
S'offre à moi quelques heures de route sur les collines du plateau en traversant de nombreux petits villages.
Je suis juste accompagné par des vents thermiques qui roulent de toute leur force de la montagne et que j'ai en plein en travers.
J'ai toujours le moral au top, des jambes de feu mais je sens quand-même la fatigue arriver.
Entretemps je découvre qu'en jouant avec la pression de mon doigt sur la gachette du shifter j'arrive à maintenir la chaîne sur quelques pignons de plus qu'auparavant.
Ca tombe bien évidement car je roule sur le tronçon le moins pentu de la sr.
De village en village je m'approche des prochains obstacles, dans les hauteurs de Montreux. C'est là que j'ai donné rdv à Denis qui allait me rejoindre pour un bout de route. Or, avec mon départ anticipé d'une demi-heure et mon avancée rapide je constate que j'allais avoir 1,5 heures d'avance sur l'heure plus au moins prévu.
A l'occasion du contrôle du zoo de Servion et du constat de ma fatigue qui arrive à grand galop, je décide de faire une pose et je me pause (c'est exprès ;-) derrière l'arrêt de bus du zoo.
Je suis à peu près sûr que des vigils ont du m'observer derrière un écran quelque part pour se demander se que venait faire ce gugusse.
Après 1,5 heures de mauvais sommeil je repars et quelques villages plus loin je m'arrête pour téléphoner et réveiller Denis. Quelques instants après je me rends compte que je me suis trompé disons d'un certain nombre de villages. Mais ce n'est pas grave, c'est lui qui va m'attendre ;-)
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Je passe Châtel-St-Denis et je commence enfin la montée vers Les Avants et le col de Sonloup, où Denis m'attendra, juste avant le col il y a un méchant raidard de 1,5 km avec des sections qui dépassent bien les 10%, oups, ça coince presque! Je me mets en mode 'pédalage lent et bien rond avec gestion de l'équilibre' et hop, que j'arrive là-haut où Denis m'attend assis sur un banc.
Il est prèsque 6 heures du matin.
Me disait-il qu'il était à peine arrivé mais j'ai du mal à le croire au vue de mon erreur de toute à l'heure.
Je remarque toute de suite qu'il est habillé en court, alors que moi j'ai froid en portant toute ma panoplie.
Ca me fait du bien de pouvoir être accompagné un bout (j'avais prévu Sophie de cette possibilité qui n'y a trouver rien à redire, c'est quand-même moi qui pédale et je ne compte pas sur quoi que ce soit comme assistance pour autant) et nous commençons ensemble la descente puis la montée vers Sonchaux.
Je recommence de nouveau à avoir besoin d'une pause mais la terrasse de l'auberge, bien qu'offrant une vue imprenable, est bien vide à cette heure.
Nous ne nous attardons pas très longtemps, le temps de la photo de contrôle, de toucher l'eau de la fontaine et de boire un petit coup (suis toujours sensible à la présence de l'eau sur les parcours) puis nous descendons sur les routes de ce véritable balcon sur le Léman. Une route en assez mauvaise état qui nécessite des grands coups de freins très régulièrement.
En bas nous sommes attendu par Natacha, épouse de Denis, rouleuse du plat, comme elle le dit elle-même, mais elle nous accompagnera tout de même jusqu'au Pas de Morgins.
Une fois en bas nous nous élançons sur la piste cyclable qui traverse la vallée du Rhône, du tout plat, sur une petite trentaine de km. Au pied du Pas de Morgins un autre éminent membre de ce forum nous attendra, Degavroche de son petit nom.
Mais on y est pas encore. C'est le matin, je suis vraiment très fatigué et un café et quelques viennoiseries m'iraient bien.
Nous nous arrêtons donc dans un petit bistro quelques km plus loin.
Après la pause Degavroche nous rejoint sur la piste cyclable et c'est à 4 que nous continuons notre chemin, fait rare, c'est même la première fois que je roule en petit peloton de 4 vélos couchés.
Bien que la route soit plate j'ai parfois l'impression d'avoir de la peine à les suivre ... je pense à toutes les montées que j'ai devant moi. Encore 9000 mètres de d+ avant demain-soir.
Mais comment est-ce que je vais y arriver? Est-ce que j'allais tenir encore 200 km de routes bien plus pentues encore avant de m'arrêter pour la nuit?
En me fixant sur l'instant présent je peux me faire croire n'importe quoi donc je pensais que oui mais au fond de moi j'avais un petit doute quand-même.
Mais je n'y tiens pas compte, la route commence à monter, les premiers lacets arrivent et je m'installe dans mon rythme de grimpe. C'est ce qui est rassurant finalement; dès que ça monte je suis fixé sur mon état et là je constate que je monte lentement mais je ne me sens pas du tout physiquement épuisé. Du coup je pédale, tour après tour, et j'essaye tant bien que mal de profiter de la présence de mes amis mais c'est dur: je ne comprends rien de ce que se dit, j'arrive à faire des phrases de 5 mots maximum. Je crois que mon corps mobilise tout mon énergie dans ma progression.
Après 92 minutes de montée, pour 16 km à 5%, nous arrivons enfin au Pas de Morgins!
Une bonne pause bien mérité puis le temps de prendre congé de Denis et Natacha qui retourneront dans la vallée.
Merci et à bientôt!
Remarqué quand-même ce coup de patte de Denis qui est le roi des selfies de groupe!
Nous descendons rapidos dans le Chablais avec Hervé, pas beaucoup plus loin un nouveau col nous attend: le col du Corbier.
Désormais j'ai commencé à faire tout les cols en mode automatique, ce n'est pas désagréable. Presque une heure pour 6 km à 7%. En haut je suis obligé de revoir la rustine collée la veille car la chambre a commencé à fuire de nouveau.
Puis suivra la difficile suite des cols de L'Encrenaz et de La Ramaz. Entretemps nous avons commencé à croiser plein de voitures de 'sport' très haut de gamme qui descendent parfois à grande allure les pentes que nous montons péniblement. Je n'aimerai décidement jamais les bagnoles.
Des habitants des villages sont parfois penchés sur leurs balcons pour les voir défiler, nous aurons droit à leur présence plusieurs heures durant (des voitures évidemment).
Point culminant de cette randonnée, La Ramaz est le dernier col que j'aurai grimpé en compagnie d'Hervé sur cette randonnée. Il devient tard et nous ne sommes pas très loin de chez lui.
D'ailleurs, en montant le col des panneaux avertissaient les passants de sa fermeture imminente pour travaux urgents. Avec d'autres mots, si j'avais pu maintenir cette SR pour la fin du mois, je n'aurais pu passer ce qui aurait bien compliqué l'affaire.
En bas nous mangeons encore quelques pruneaux chapardés par Hervé (lui préfère le terme ramasser) et nous partons chacun de notre côté au prochain giratoire.
De nouveau une vallée à traverser mais cette fois-ci l'itinéraire n'est pas aussi sympa et la cohabitation avec les voitures se fait au détriment de ma bonne humeur.
Je file vite en direction de Marnaz pour y entamer la montée du col de la Colombière.
Toujours un gros morceau, surtout après tant de temps sur le vélo. J'étais parti il y a 25 heures.
Il me faut 1h47 pour franchir les 15 km et 1000 mètres de d+.
Mais la récompense est magnifique car de nouveau la lumière joue avec les flancs des pentes par petites touches par ci par là.
Je descends rapidement vers le Grand-Bornand, objectif: être attablé à 20h. Je prends du plaisir à glisser des routes larges et en très bon état.
Il y a beaucoup de monde dans les restaurants. J'en choisis un qui à une terrasse où je peux me mettre un peu à l'écart. Je n'ai pas envie d'imposer mes effluves aux autres clients.
Je commande une pizza et deux boissons. Ca me fait un bien fou et je prends mon temps de tranquillement souper.
Puis je réfléchi. Au départ du Grand-Bornand il y aura le difficile col des Glières, la traversée du plateau qui n'est pas goudronné, puis j'avais l'intention de rouler encore un 40-aine de km de très vallonnée avec à la fin la montée du Salève avant de chercher un endroit de fortune pour y dormir.
Le courage me descendait un peu dans mes chaussettes. Si jusqu'à là j'avais réussi à me motiver à chaque coup de pédale, mes doutes quant à la suite de ce périple commençaient à faire surface.
Puis je me suis rendu compte que j'étais en route depuis 'seulement' 28 heures. Et j'en avais 60 pour terminer cette randonnée. Encore 230 km.
En quittant le restaurant je suis aller tout droit à la réception de l'hôtel en face.
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Bon, pas de chance, hôtel complet, tous les hôtels complets, mais le patron du premier est plus que sympa et me propose d'appeler une chambre d'hôte pour moi.
Me restait un petit bout à rouler car la chambre d'hôte se trouvait à St Jean de Sixt.
A mon arrivée mon hôte m'attendait à la porte du garage. J'ai mis mon vélo dedans, elle m'a montré ma chambre.
Puis j'ai sauté sous la douche et dans le lit, il était 22h et j'avais mis le réveil à 05.45.
6h du matin, après presque 8h de sommeil profond je sortait mon vélo du garage, c'était la bonne heure pour partir car le jour arrivait et je n'allais pas avoir besoin d'installer la frontale sur mon casque.
Je prends soin de bien repasser dans le Grand-Bornand afin de repiquer le parcours où je l'avais laissé.
Puis une longue descente, ou plutôt faux plat descendant m'amène au pied du col des Glières.
Je me sens en super forme, les jambes vont très bien et je m'amuse à faire quelque sprints et à faire monter le coeur.
C'est drôle, c'est la première fois que j'attaquerais ce côté des Glières en ayant du rouler aussi peu et j'en suis à peu près sûr que je battrai mon record.
Les Glières sont traîtres, 6,5 km à 11% mais d'une façon totalement irrégulière.
Il y a 1,5 km à 17%, puis un à 14 et encore un à 13. C'est un col que j'adore et s'il y en avait un que je voulais absolument mettre dans ce parcours c'était bien celui-ci (avec celui de la Ramaz mais malheureusement il n'était pas possible de le mettre dans mon sens préféré)
La route est calme (comme presque toujours et heureusement car elle est très étroite) je dois juste m'arrêter pour laisser une bétaillère passer; elle descendait des vaches de l'alpage. Puis quelques gros pick-ups amenaient des chasseurs dans les forêts en haut. N'empêche, je profite bien de cette montée et elle se termine presque trop rapidement.
Je m'engage sans m'arrêter sur le chemin en gravier qui m'amènera de l'autre côté du plateau.
C'est plutôt bien de faire la traversée en automne. Les quelques fois que je suis passé par là au printemps je me suis retrouvé avec des roues profondément enfoncées dans des gravillons fraîchement posés, mais la, aujourd'hui, avec une saison de passage derrière le dos le tout est bien en place et je me risque même à prendre de la vitesse pour prendre à l'élan la petite montée qui m'attend.
Je m'arrête au panneau pour faire une photo puis je file à Thorens-Glières, en bas du col, car j'ai le sentiment qu'un petit déjeuner m'y attend. C'était bien le cas et un petit super-marché en face de la boulangerie m'a permis de faire mes emplettes pour la journée.
Départ après une pause bien longue pour le col des Fleuries et le plateau des bornes qui suivra.
Je continue à rouler à un bon rythme et je suis scrupuleusement le parcours. Ca fait bien 4 ans que j'avais commencé à plancher dessus et je suis surpris de certaines options d'itinéraire que j'avais choisi. Si je devrais le refaire aujourd'hui je ne ferai plus les mêmes choix. Je me ferrai la remarque encore plein de fois, presque jusqu'à l'arrivée.
J'arrive bientôt au Salève, ma montagne fétiche que j'ai déjà gravi bien plus que 200 fois, comme d'habitude le weekend il y a plein de monde dessus, forcément car le sommet se trouve à moins de 15 km du centre de Genève.
J'échange quelques mots avec deux amis américains qui sont bien intéressés dans le Pelso.
Puis la route reprend, encore le dernier bout du col des Pitons puis une longue descente avant de remonter sur le plateau de l'Albanais. Il fait bien chaud et je sens la fatigue venir de nouveau. Mais je ne me fais pas trop de soucis. Il est seulement 13 heures et il me reste suffisamment de temps pour terminer cette super-randonnée.
Alors que le soleil est au plus haut je n'hésite pas à faire une longue pause à Clermont, c'est le point culminant de l'Albanais, en tout cas en ce qui concerne cette super randonnée, et ce qui suivra est une longue descente qui traversera Val-de-Fier et me déposera au pied du Clergéon.
De nouveau je constate que je n'ai pu m'empêcher d'insérer un raidillard à un endroit où j'aurais pu aller tout droit pour atteindre le vrai début du col de Clergéon de façon bien plus logique.
Le col de Clergéon donc, un petit col mais un drôle d'oiseaux quand-même car il est long de 11 km (dont 2 en descente au sommet) et il a quand-même plusieurs km qui s'approchent des 10%.
Je commence à me rendre bien compte que tout ces cols à gros pourcentages m'épuisent bien plus que si j'avais eu le même dénivelé total avec des pourcentages plus faibles.
Alors que les kms à 5 ou à 6 % passent presque inaperçu, ceux à 8, 9 , 10 voir plus compte bien plus lourdement dans les ressources qu'ils me prennent.
Arrivée en haut du Clergéon je dois m'arrêter quelques minutes pour souffler un peu mais je repars rapidement, un village dans la descente a une sympathique fontaine et je me réjouis d'y mettre mes pieds dedans.
Alors qu'il y a eu plusieurs kms bien pentu du côté où je suis monté, le côté sur lequel je descend maintenant l'est bien plus encore. La route est très pourrie en plus et j'use grave de mes freins pour éviter de prendre trop de vitesse.
Enfin j'arrive à ma fontaine ce qui me permet de prendre encore une 10-aine de minutes de pause.
Ce qui me reste à faire encore est de descendre un peu, traverser la vallée de Rhône, puis rouler jusqu'à Anglefort et monter le Grand-Colombier. Quelqu'un me disait, lorsqu'il avait appris que j'allais devoir monter par Anglefort plutôt que par Culoz pour cause d'éboulement sur la route: 'Oh mais c'est terrible, par Anglefort, tellement dur, t'as vraiment pas de chance' alors que j'ai toujours trouvé que la montée par Anglefort m'allait bien. Plus en tout cas que par Culoz.
J'apprécie bien le petit parc pour cyclistes qui est aménagé au pied de la montée: je m'y repose un quart d'heure et je rempli mon camelback. 2,5l avant de monter, au moins je serais tranquille après car il y a encore des bornes à faire. Ca peut sembler absurde de prendre tant d'eau avant une montée mais j'ai toujours fait comme ça.
Allez hup c'est parti, premiers 9 kms à 10% (de façon bien régulière) pour un total de 16 km à 8%. Que dire? Il fait beau, c'est un soucis au moins, je monte à un rythme d'escargot, en démarrant je me suis dit qu'il serai chouette de monter en 2 heures mais je me rends vite compte que ça va être difficile. Mais je garde mon pédalage constant et je trouve que j'avance pas trop mal. Je compte lourdement sur les replats avant le sommet pour rattraper mon retard sur l'objectif fraîchement posé. Qu'est-ce que c'est long mais après quelques relances les derniers kms je sors de la forêt et je vois enfin le col au loin.
Non content d'une probable arrivée dans les deux heures je me dis qu'il serait bien quand-même d'arriver là-haut avant que la buvette ferme. Sans pour autant avoir encore la force d'accélérer je continue sans relâcher et voilà que je vois la buvette bien ouverte encore!
Je pose mon vélo et vais vite commander quelques boissons. Drôle d'histoire en fait car Michel Pélissier, président des fêlés, avait dit à l'occasion de la rencontre de fin d'année le samedi [url=velorizontal.bbfr.net/t21816p25-fele-du-grand-colombier#576534]Voir reportage sur ce fil[/url] à Régis, qui tient la buvette et qui est un confère fêlé aussi, que j'allais passer. Du coup nous étions tout content, non seulement que j'allais être le dernier client de la journée mais également le dernier de la saison car ils allaient fermer jusqu'à l'été prochain.
Bref, un moment vraiment très sympathique passé en compagnie de Régis, sa femme et leurs amis venus à l'occasion de la fermeture.
Ils ont voulu m'offrir à manger mais je n'avais absolument pas fin et j'ai du décliner leur offre à regret.
Après la montée d'un col on se repose normalement sur la descente mais la route ayant été fraîchement gravillonnée je n'ai point eu du repos.
Et arrivé en bas j'essaye de maintenir un peu de la vitesse car la nuit allait bientôt tombé et j'avais envie d'atteindre au moins le Col de la Lèbe avant de me parer pour la nuit. Chose tout juste atteint.
Je commence à voir le bout, je dois encore prendre le Col de Cuvillat puis le col de Cuvéry (qui est à peine une côte depuis ici) avant de redescendre dans la vallée vers la fin de ce parcours)
En traversant Hauteville, une toute petite ville donc, je passe à côté de quelques jeunes excités qui venaient de mettre le feu à une poubelle; je suis étonné de voir les flammes monter 3 voir 4 mètres de haut. Ne cherchant pas l'embrouille j'ai continué sans prendre de photo.
J'arrive aux derniers kms du col de Cuvillat (derniers kms qui sont presque aussi les premiers, tellement ce col est petit), quelque bons pourcentages encore avant d'atteindre le panneau. Après la descente j'aurais encore une 15-aine de km et 300 mètres de d+ à faire avant d'entamer la descente vers la vallée.
Il fait bien nuit car la lune est basse mais je roule à un endroit avec des routes bien larges et même propres et mon phare me suffit pour voir devant moi sur ce faux-plat montant. D'ailleurs, en ce qui concerne les montées nocturnes: pendant plusieurs années j'allumais ma frontale dès que je n'avais plus suffisamment de vitesse pour le dynamo moyeu, mais depuis 2-3 ans je dirais, je n'utilise ma frontale plus que dans des situation ponctuelles: pour bien voir un panneau, ou encore un carrefour ou bifurcation qui arrive etc. Pour le reste j'apprécie de monter dans la presque obscurité.
Voilà, voilà, je passe sur cette route où je suis passé déjà il y a plusieurs années, avec mon premier vh (2-roues), également dans la nuit, que j'étais aller chercher à Lyon chez Cyclociel, c'était une découverte pour moi et aujourd'hui ça l'est toujours.