Je ne vous apprends rien, mais dans les derniers kilomètres on peste contre soi même, on se demande ce qu'on fait là sur un vélo alors que le soleil chauffe encore, qu'on a faim, que les routes n'arrêtent pas de monter... On se dit que PBP (
2x plus long !), c'est une folie et qu'on a le droit de laisser la folie aux autres, qu'on a le droit d'être lucide et de ne pas s'embarquer
volontairement dans cette galère.
Mais une fois arrivé, assis devant une pizza, en bonne compagnie : toute fatigue s'efface, le dénivelé se tasse, on se souvient surtout des paysages magnifiques, des anecdotes rigolotes, des rencontres. Les galères ? On en rigole ! Le revêtement tout pourri qui donne des fourmis dans les mains ? On oublie.
Lorsqu'on remonte sur le vélo le lendemain, il y a toujours une petite appréhension au moment de s'installer sur la selle et de donner les premiers coups de pédale... mais tout va bien. Donc PBP 2019, pourquoi pas après tout ? Surtout que j'ai maintenant un BRM 600 pré-qualificatif validé dans la sacoche.
Pour résumer ce brevet, le seul mot serait MERCI !
Merci à Popiette pour son organisation, sa disponibilité, son dynamisme, son énergie, sa gentillesse. Vraiment MERCI !
Merci à Aurélien et Mauve de m'avoir tiré, attendu, soutenu durant toute la journée de samedi. Sans leur présence et leur aide, je n'aurais pas réussi à aller aussi loin et la journée du dimanche aurait été plus compliquée. Je suis sûr que je leur ai imposé un rythme qui n'est pas le leur et qui les a pénalisés. Merci à eux pour leur patience et leurs sourires.
Merci à Gilles, retrouvé par hasard au pointage du haras du Pin et qui m'a tiré, attendu, soutenu durant toute la journée du dimanche. Je l'ai ralenti, c'est sûr. Et sans son aide je ne sais pas à quelle heure je serais arrivé à Montebourg... Merci pour ses conseils !
Beaucoup d'apprentissages sur ce premier 600 pour moi : pauses, navigation, gestion de l'alimentation et de l'hydratation.
Je vois bien que je manque d'entraînement et cela se ressent surtout dans les montées (
bizarre, non ?!?). D'où l'idée de tenter un dodécaudax d'ici le PBP.
Pour raconter la balade, c'est assez simple : nous sommes partis tranquillement de Montebourg, pas un bruit dans la campagne encore embrumée (
j'ai dû enlever mes lunettes : c'est pas pratique quand le brouillard reste dessus). Le premier pointage nous permet de nous réchauffer : l'église de la Pernelle domine une mer de nuages. On devine au loin, au pied des tours Vauban, la vraie mer.
On traverse ensuite le Val de Saire et ses bancs de brouillard pour arriver à Cherbourg avec son port et ses bateaux de pêche qui rentrent. Instant de grâce sous un soleil gentil, le long de la plus grande rade artificielle du monde : la piste cyclable est propre et plate, pas de vent, pas trop chaud, la mer est calme, on est en bonne compagnie.
Première crevaison dans le groupe avant de monter sur la route des caps : Aurélien s'arrête et nous laisse continuer. Petit regroupement pour profiter du point de vue à Landemer, avant de continuer vers la tombe de Jacques Prévert.
Sur le parking de l'église, on grignote une barre, on remplit les bidons, on parle déjà du déjeuner à Coutances... mais il va falloir grimper dès la sortie du village !
Aurélien arrive juste lorsque le groupe commence à piaffer ; on l'aide à regonfler son pneu avant avec une meilleure pression, il grignote un peu, on remplit ses bidons et c'est reparti !
La montée a scindé le groupe. Je ne monte pas vite et je reste donc à l'arrière. Je continue la route avec Aurélien et Mauve. Nous avons le même objectif : dormir à Gacé et boucler ce brevet dans les délais.
Au gré des montées et des descentes après Beaumont Hague, vers Bricquebec, nous rejoignons, lâchons ou nous faisons lâchés par d'autres cyclos. Les rythmes sont différents et nous savons qu'avec 600 km à parcourir, une petite différence peut faire un grand écart à l'arrivée, mais c'est toujours sympa de retrouver une tête connue (
ou un compagnon de galère).
Arrêt pique-nique bien appréciable à Coutances (~170 km) : on mange nos sandwiches fraîchement achetés à l'ombre de l'église, on savoure la fraîcheur des cocas, j'ai commencé le repas par le dessert : une glace !
On se déplace de quelques mètres pour se poser dans un bar pour un second coca et un café. On fait remplir les bidons et on repart !
On attaque ensuite le plat de côtes : ça monte toujours et ça ne descend qu'un tout petit peu ! Le soleil darde toujours ses rayons sur les cyclistes...
On monte, on monte pour passer l'A84, puis on savoure la longue descente avant de reprendre la grimpette vers la forêt de Saint Sever... au moins, il y a de l'ombre, les senteurs sont agréables et on a pu admirer un large panorama avant d'entrer dans la forêt.
Pause à Gathemo (~225 km) dans une boulangerie encore ouverte à 18h un samedi 14 juillet ! Super accueil, des boissons fraîches, de l'ombre avec juste un filet d'air... Ca fait du bien ! On est à 30 km du prochain pointage (Lonlay L'abbaye) et on reprend la route. *
Evidemment, l'abbaye de Lonlay est dans un vallon (
comme tant d'autres...) : ça glisse tout seul pour les derniers hectomètres vers le pointage et ça grimpe lorsqu'on repart !
Je commence à avoir faim de quelque chose de plus consistant que des compotes : objectif trouver quelque chose à Bagnoles de l'Orne, à moins de 30km.
L'arrivée à Bagnoles marque également le retour dans la civilisation : la foule des grands jours est là pour la fête et le feu d'artifice qui sera tiré à la nuit tombée. Mes compagnons de route et locomotives décident de continuer vers Gacé. Je n'ai pas leur contrainte d'hôtel et mon estomac réclame une pause. Je les laisse donc partir et je m'attable au premier restaurant. Je reste en terrasse car il fait trop chaud à l'intérieur. 2 diabolos menthe, une crêpe jambon-œuf avec du cidre font durer la pause, je mâche tranquillement chaque bouchée.
Une fois l'addition réglée, je me mets en mode nuit : gilet fluo, phare allumé et c'est parti pour une balade de 100 km jusqu'à Gacé pour une pause dodo. Dans la fraîcheur nocturne, je suis plus à l'aise et je roule bien. L'avantage, c'est qu'on voit moins le relief... même si on le sent dans les jambes !
Avant Carrouges, je rattrape un cyclo : dehors en pleine nuit, sur cette route, c'est forcément quelqu'un du BRM ! Il s'est également arrêté dîner à Bagnoles. Etant en forme, je passe devant en pensant qu'il prendra ma roue... mais finalement, je vois son phare s'éloigner dans mon rétroviseur. Qu'à cela ne tienne, il devrait revenir sur moi dans la montée de Carrouges, puisque je monte toujours lentement.
Même pas... Je suis reparti tout seul de Carrouges et j'ai laissé les chants de la fête derrière moi avec des tubes des années 80 qui tournent en boucle dans la tête.
Arrivé à Mortrée, je reconnais l'itinéraire déjà emprunté. Je sais ce qui m'attend, mais je sais aussi que j'arriverai à Gacé sans trop de problème. 50km avec 2 coups de cul. Pointage à Notre Dame du bois : il y a encore un mariage, comme lors de mon exploration il y a 15 jours.
Je repars vers Gacé : le plus dur est derrière moi pour aujourd'hui. La laverie que j'avais repérée est déjà squattée par deux jeunes, je me rabats sur un banc à l'abri de l'église. Un texto à l'équipe technique à Caen et dodo ! Il est 4h quand je me glisse dans mon sac de couchage. J'ai fait 380km en 21h30. 2h plus tard, je me réveille, enfile mon maillot à manches longues, ma veste, mon bonnet et mes gants. Je grignote deux/trois compotes et je remonte sur le vélo pour le plat de résistance : le pointage du Haras du pin et les côtes de Camembert !
Au haras, j'ai la bonne surprise de voir que je ne suis pas seul : Gilles est arrivé avant moi. Il essaie de remplir ses bidons pendant que je remets mes habits diurnes car la sensation de froid est déjà repartie.
En repartant, je le laisse derrière moi dans la première descente et il a vite fait de me rattraper dans la montée d'après : pas la peine de jouer au chat et à la souris, je perdrais au jeu ! Nous continuons donc de concert et visons Chambois pour un café, ou plutôt un grand chocolat chaud !
Mauvaise pioche, la boulangerie est bien ouverte, mais le café est encore en vacances. Et nous n'arriverons pas à réveiller les gérants du bar restaurant de Montormel... contrairement aux cyclos suivants !
Les montées et descentes abruptes autour de Camembert nous font mal... J'ai dû mal à rester accroché et me laisse distancer juste avant Saint Pierre sur Dives. Là nous trouverons notre bonheur. Nous referons le plein d'énergie et des bidons à la terrasse couverte d'un café de la place des halles.
Pointage à l'abbatiale de Saint Pierre sur Dives et la route reprend dans la plaine au sud de Caen.
On s'arrête prendre un coca dans un café ouvert en ce dimanche midi à Gouvix car le soleil tape déjà fort. La finale de la coupe du monde de football se prépare activement, le grand écran est déjà déployé, les supporters sont déjà présents.
On enchaîne ensuite le long de la Laize, jolie petite route ombragée qui zig-zag gentillement avant de contourner Caen pour atteindre l'abbaye d'Ardennes. C'est notre point de chute pour un pique-nique improvisé avec les provisions de chacun mises en commun. C'est en repartant que nous repérons le petit jardin ombragé avec des bancs, 200m plus loin... Tant pis !
Nous voilà repartis vers Juaye-Mondaye puis Balleroy et un arrêt coca à la boulangerie. Il y a un peu plus d'air qu'hier mais la chaleur est toujours là : les roues font éclater les bulles de bitume. Ploc, ploc.. Ploc... Nous arrivons bientôt à Graignes, ultime pointage de ce 600. On trouvera plus facilement le prénom du grand-père de Popiette que le point d'eau pour remplir une dernière fois les bidons. Nous sommes à la fin de la finale de football et nous n'avons pas encore entendu de cris de joie... ça semble mal engagé pour l'équipe de France.
Voici donc les marais, Carentan et les klaxons qui nous confirment que l'équipe de France est championne du monde de football. La circulation est moins tranquille, mais nous nous engageons vite sur les petites routes.
Gilles continue à me tracter inlassablement. Mon estomac commence à m'envoyer des signaux éloquents, mais on ne va pas s'arrêter dîner à 10 km de l'arrivée ! Les jambes tournent toutes seules et seul Emondeville est indiqué sur les panneaux : mais où est donc Montebourg ?
Gilles a encore l'élégance de me pousser pour que je fasse la pancarte... mais c'est à lui que revient tout le mérite !
Et nous voici, happés par l'appareil photo d'un paparazzi qui nous annonce que nous sommes les troisièmes : deux autres cyclos seulement sont arrivés avant nous ! Moi qui espérais uniquement arriver dans les délais, grâce à l'aide d'Aurélien et Mauve le samedi et Gilles le dimanche, je boucle ces 605 km en 38h25. Il paraît que c'est plus dur que PBP... Alors allons voir comment c'est, PBP !
Après une bonne pizza, une nuit reposante et un petit-déjeuner dans la salle, je dois retourner pédaler en restant toujours dans les délais : maintenant, c'est le train vers Caen que je dois attraper. Les 9 km de Montebourg à Valognes sont vite avalés et j'arrive avec 10 minutes d'avance. Je refais en 1h de train le chemin arpenté en 8h la veille... Je remonte tranquillement la côte qui mène à la maison avant de décharger mon vélo... J'ai rapporté à la maison 600g de barres de céréales... 600g de trop, apparemment !